Le fou est une pièce à long rayon d'action mais il évolue sur une seule couleur et peut être bloqué par ses pions, il s'appelle alors un mauvais fou.
Dans nos vies étriquées, nous sommes bloqués par les contraintes sociales professionnelles, familiales et même sanitaires dans ces jours de pandémies. Notre vie n'est qu'une suite de va et vient sans buts et nous buttons sur des murs infranchissables. Nous sentons notre incapacité à libérer notre potentiel comme un mauvais fou emmuré dans sa chaîne de pion.
Un entraîneur a intitulé un chapitre de son livre, la vie secrète des mauvais fous et il montre plusieurs exemples de pièces mal placées maniées avec efficacité. C'est ce que vous apprend les échecs. Vous ne pouvez pas toujours avoir un bon jeu, vous devez jouer la position au mieux, patienter et saisir l'occasion lorsqu'une ouverture de lignes est possible. Il ne faut pas non plus sous estimer la valeur défensive de la bête à corne et il peut être utile pour l'adversaire de l'échanger pour pouvoir montrer son avantage.
Lors d'un grand open de province, j'étais hébergé dans une chambre avec un GM. La veille de la dernière ronde, Il était en tête du tournoi et il ne préparait rien mais s'affairait sur un carnet de compte.
Le lendemain, il a louvoyé longuement avec un mauvais fou. Le résultat connu sur le deuxième échiquier, le jeu s'était magiquement ouvert et il a gagné la partie. Il avait calculé sur son carnet les différents résultats qu'il devait avoir pour maximiser les gains avec ses complices en fonction du seul paramètre qu'il ne contrôlait pas: Le résultat sur la deuxième table. La partie a été publiée et personne n'a trouvé rien à redire.
A haut niveau, les arrangements sont moins visibles. Quelques événements suscitent le doute.
Le match revanche entre Fischer et Spassky en 1992. Comment Fischer, un psychotique ayant abandonné la pratique du jeu pendant 20 ans a t il pu jouer un long match avec un superbe niveau technique? Les serbes en guerre avaient besoin de faire un coup médiatique. Cela ressemble à une imposture.
Le match Kasparov Deep Blue en 1997. C'est certain, les machines allaient prendre le dessus mais Kasparov s'engageant dans une ligne réputée injouable de la Caro Kahn et faisant des grimaces devant les caméras, c'était du show business.
Récemment, il y a eu ce tournoi des candidats avec des parties suspectes et ce championnat du monde à Dubaï. Tous les observateurs ont trouvé les gaffes à répétition de Nepomniatchi dans la deuxième partie du match hautement bizarres. Le fait est que Carlsen a été dégouté. Ses menaces de quitter le cycle des championnats du monde affaiblissent la FIDE déjà durement malmenée par la crise sanitaire et l'avancée des plateformes de jeu en ligne.
Dubaï : Cette cité va certainement disparaître engloutie suite aux effets du réchauffement climatique.
Avant l'arrivée du déluge, s'y tiendra, pour notre plaisir, la finale du championnat du monde d'échecs.
Carlsen King Kong, monstre invulnérable et Népomniachtchi , son challenger, pantin impuissant pris dans ses griffes ?
Nous saurons bientôt.
Pour les équipes du dimanche, il faut remplir les camionnettes et tous les candidats sont acceptés, même s'ils ont des mœurs étranges. L'indicateur unique est le classement.
Sans artifice, le jeu vous place déjà hors de vous même. Il n'y a pas de sensation comme celle des échecs. Pendant plusieurs heures, vous êtes un pur esprit. La partie finie, vous pouvez même avoir un spasme quand la tension baisse soudainement. Vous réappropriez votre corps et vous revenez doucement dans le monde réel.
Le toxicomane se fait un shoot avant la partie. Le corps est anesthésié par l'héroïne. Les effets de la drogue et du jeu se cumulent, il plane. Le problème c'est la descente; Le gars arrogant se transforme en vieillard sénile et tremblotant. Un triste résumé en une après midi de la condition humaine. Voyant cette débâcle, le capitaine se demande s'il doit conseiller à son joueur d'aller se refaire une santé dans les toilettes.
C'est équivalent pour le cannabis. Les gars fument avant de jouer mais il faut voir les désastres quand durent les parties. C'est atroce, ils sont en manque. La fatigue, les angoisses et les douleurs reviennent et c'est comme si des déments conduisaient les pièces.
Une édition marquée par des incidents, d'un événement fédéral majeur.
Dès le début, Radjabov était forfait, effrayé par la crise du Covid. Il a été remplacé par notre Vachier Lagrave national. Il y a eu une interruption d'un an car les frontières se fermaient et les joueurs risquaient le blocage.
Cette énorme pause a elle incité à des arrangements? Il y avait trois russes dans le tournoi. Ils jouaient chez eux. Nepomniachtchi était en tête. L'occasion était belle. Le doute restera car il y a eu des anomalies dans la deuxième manche. Entre autres, un joueur russe a oublié sa préparation et s'est retrouvé dans une position perdue dès les premiers coups, suscitant les ricanements de commentateurs avisés.
Wang Hao, le joueur chinois distribuait des points à la volée et a annoncé son retrait des compétitions à la fin du tournoi. C'est mon préféré, celui là. Arrivé en haut de la hiérarchie, il a annoncé avec un grand sourire qu'il n'était plus intéressé par la course aux titres. Il ne supportait pas le stress, se plaignait de la solitude dans ce milieu très concurrentiel. Cet étrange tournoi interminable avait fini de l’écœurer.
C'est la mode chez les étudiants chinois. Ils montent les marches et refusent de rentrer dans le moule, refusant ces carrières qui leur sont proposées.
Il y a eu du sang sur l'échiquier aux championnats de France d'Epinal en 1989. J'étais dans l'accession juste à coté du national. Andruet double tenant du titre et leader du tournoi s'était fait frapper lâchement par son adversaire alors qu'il abandonnait la partie. Un événement qui a éloigné Andruet du monde des échecs et a eu une influence tragique sur sa vie.
Son adversaire a pu sereinement continuer son championnat. Une étrange décision de la commission qui montrait un énorme mépris pour la victime.
Une justice de classe? Le cogneur était ingénieur chez EDF et la victime un coureur d'open. Selon mon expérience, la plupart des présidents de clubs ont peu de respect pour les joueurs professionnels. ils les considèrent comme de pauvres chasseurs de cachetons. Dans d'autres pays où le jeu d'échecs est plus implanté dans la culture et où les mentalités sont moins conservatrices, les professionnels des échecs sont valorisés socialement et certains peuvent même faire carrière en politique. Jamais un champion n'y subirait un pareil affront.
Chaque fois que je croisais son agresseur Seret, dans un tournoi, j'avais un sentiment d'effroi devant cet homme qui avait bravé un interdit supérieur : Frapper son adversaire durant une partie d'échecs.
Une pétition avait circulé sur le site du championnat à Epinal pour protester contre le maintien de Seret dans le national mais ce n'était pas allé plus loin.
Quelques années plus tard, dans un autre championnat, j'avais vu les joueurs menacer de quitter le tournoi car les échiquiers étaient rouges, sponsorisés par un vendeur de burgers et avaient obtenus gain de cause. Les joueurs d'échecs manifestaient pour des jeux aux couleurs neutres mais étaient indifférents lorsque qu'un des leurs se faisait boxer.
Malgré l'extrême tension nerveuse que peut susciter ce jeu, ce sont des événements rares. J'ai souvent senti mes adversaires au bord de l'explosion, près à se jeter sur moi mais ils ont toujours su se contenir.
Il m'arrivait d'être inquiet lorsque je voyais l'allure de mon adversaire.
Un jeu où je jaugeais beaucoup les gens et je trouvais difficile d'évaluer quelqu'un en fonction de sa physionomie.
Dans les opens, en fond de tableau, il y a les gamins et tous les éclopés de la vie.
Un joueur, ancien taulard, interprétait les seconds rôles de truands pour la
télévision allemande et avait le physique de l’emploi. Il s’était engagé dans un open réservé aux petites catégories et
lorgnait le prix important à la clé. Il jouait les gros bras et donnait l’impression que ses adversaires
allaient se faire frapper. Ceux-ci n'en menaient pas large, mais l’ont battu quand même. Dépité, Il a quitté le tournoi, n’a pas payé sa note d’hôtel et a volé le jeu sensitif d'un stand avant de
partir: Un cadeau pour son fils.
Le dessin est un retour sur une scène marquante du film noir: Pas de pays pour le vieil homme .
Les joueurs irraisonnables s'étourdissent en misant des sommes toujours plus importantes. Dans ce film, les gens mettent en jeu sans le savoir, le maximum, leur existence. Le film est filmé du coté d'un sadique, armé d'un compresseur représentant la mort et jouant la vie de ses rencontres à pile ou face. Le spectateur est amené à s'identifier à lui et à espérer son succès. Ce qui est plutôt paradoxal. C'est une satire de l'Amérique rurale mais l'accumulation de scènes violentes devient insupportable et rend le film vulgaire.
Les nationalistes n'ont pas tort sur toute la ligne, le jeu d'échecs a des vertus éducatives. Si le raisonnement est faux, la sanction est immédiate. En France, les jeux de ballons priment. Dommage, le jeu d'échecs permet aux petits maigrichons d'exister.
Le public aime surtout les jeunes prodiges. L'étude, l'expérience et les connaissances ne seraient pas nécessaires, suffiraient l'innocence et des neurones frais. La réalité est autre et le travail et la maturité sont des qualités essentielles pour jouer aux échecs.
Les meilleurs prodiges arrivent au titre vers onze ans. Les fédérations font une course malsaine pour obtenir le record du plus jeune grand maître. Déscolariser des enfants, les professionnaliser et les envoyer dans l'arène des opens internationaux de haut niveau pour jouer des adultes super entrainés, c'est risquer de laisser des traces sur leur personnalité.
Dans ce monde en crise virale, l’activité échiquéenne est atone sauf sur internet. Même les meilleurs joueurs se plaignent de leur isolement et parlent de leur manque de motivation pour étudier les variantes. Pourtant, une norme de grand maître d’un français de 13 ans s’est faite, à Barcelone, un des rares endroits au monde où l’activité échiquéenne perdure.
A titre de comparaison, Bacrot , arrivé dans les dix meilleurs mondiaux, avait obtenu son titre à 14 ans et son père avait pris une année sabbatique pour l’accompagner dans les tournois à l’étranger.
Voyons le tournoi et ses participants.
Cornette est le capitaine de l'équipe féminine nationale. Un des principaux acteurs de l’entraînement des jeunes dans l'équipe fédérale sortante. Grand maître, meilleur élo du tournoi, il était juge et partie dans cette compétition : Nulle sans histoires avec Maurizzi.
Maze est comme cul et chemise avec Cornette. Ils ont fait plein d'opens ensemble.
Deuxième élo, il perd une partie à sens unique contre Maurizzi. Une autre victoire contre un grand maître parisien et il ne reste que deux gains à faire contre des locaux moins classés pour arriver à la norme.
La Catalogne est une terre d'échecs. Il y a un circuit d'opens réputés et la région possède nombre de maîtres expérimentés.
Maurizzi a eu des parties à toi à moi avec eux. Il sort miraculeusement d'une partie où l'ordinateur annonce mat forcé. Dans une autre partie, d'après la base, son adversaire abandonne sans que rien de décisif ne soit sur l'échiquier. Il gagne encore une partie stratégique où il montre un peu talent, une nulle rapide et d’autres plus chaotiques et le compte est bon.
Un exploit à comparer à Moïse traversant à pied la mer rouge.
Cette norme tombe à point nommé pour Kouatly, le président sortant en pleine course électorale. Une récrimination faite contre lui étant de peu s’occuper du développement du haut niveau et de s’affairer plus à ses intérêts personnels.
Il avait fait le déplacement en Catalogne lors du récent open de Sitges, certainement pour préparer ce tournoi à normes avec ses amis catalans.
Une bonne réalisation pour ses amis qui pourront pousser les demandes de subventions devant l'assemblée corse.
Notre fédération a les défauts des grandes fédérations sportives. L'omerta, les dirigeants inamovibles, les comptes pas très clairs.
La féminisation: Des photos de filles portant des bouquets de fleurs pour la communication mais une réalité très mitigée.(Voir dans archives 2014 l' article sur les féminines et la commission de discipline)
La décentralisation: La vie fédérale tourne autour de deux événements phares, les championnats de France jeunes et adultes et c'est la fédération parisienne qui gère.
La vie démocratique: Les commissions étaient aux ordres ou existaient surtout sur le papier. A la fin du mandat, c'était vraiment flagrant. Au abois, le président tentait d'écarter ses opposants avec des procédures disciplinaires.
Dans les dirigeants fédéraux, il y a deux tendances marquées, les commerciaux et les utopistes de gauche. L'économiste ne s'intéresse qu'au porte monnaie du joueur et ce qu'il va dépenser dans la structure. L'utopiste répète ses crédos: l'amateurisme, le bénévolat, la liberté, la gratuité, la convivialité. Pour lui, seules les subventions de l'état doivent faire tourner la machine. Une fois qu'il s'est servi, il ne reste rien pour les salaires.
Les entraineurs et joueurs professionnels sont marginalisés. Pour les utopistes, ils n'ont pas une importance plus grande qu'un débutants. Ils n'aiment pas les élites. Pour les comptables, ils sont au mieux des lignes de dépenses dans les bilans.
Le président affairiste laisse au moins quelques miettes, tous les élèves ne vont pas dans ses entreprises. Le président gauchisant pro amateurs offre peu de revenus aux entraineurs professionnels.
Notre président démissionnaire est du style comptable. Il fait travailler nombre d'animateurs et d'entraîneurs par le biais de ses sociétés. C'était un spectacle de voir les différents cercles de vassaux s'affairer lors des grandes manifestations, les championnats de France. Une vraie caricature : Une société médiévale s'était construite avec les proches du trône qui restaient entre eux, ensuite les vassaux plus lointains et enfin le peuple, juste bon à payer.
Le roi passait, débonnaire, flanqué de ses deux bouffons; Ces deux là étaient envoyés dans les rues où ils apprenaient aux passants en une minute et demi le déplacement des pièces. A la troisième minute, le quidam était invité à participer aux championnats de France des amateurs, sur le site du tournoi. Une vraie farce. C'était juste pour gonfler les statistiques de fréquentation et justifier la subvention municipale. Un type passait dans une rue avec sa baguette sous le bras et il était bombardé champion de France des amateurs.
A titre indicatif, disons qu'Il faut quatre ou cinq ans, à raison d'une heure de cours par semaine avec un entraineur sérieux pour faire un joueur moyen de club capable de comprendre les idées essentielles d'une partie entre deux maitres.
La cérémonie du baise-main n'était pas restaurée mais on s'en approchait. Bien sûr, existaient des rivalités entre les seigneurs : Une somme d'individualités hétéroclites difficiles à manager. Chacun tirant la couverture vers lui.
Le roi avait le pouvoir économique, le pouvoir politique et le pouvoir médiatique. Le site fédéral servait surtout d'écho à ses ambitions.
Même des grands maîtres étaient sous la coupe du roi: Les invitations dans les tournois, les places dans les équipes nationales, les postes de cadres fédéraux, tout était sous sa coupe.
Les finances fédérales, c'étaient des trous à combler à chaque bilan. Il a assaini. J'étais stupéfait : Comment les gens pouvaient payer cinquante euros d'inscription à des championnats jeunes pour des services aussi bas? Il était sur les photos aux pieds de tous les podiums, il vendait de la vanité avec une belle marge.
C'était déjà la tendance dans les précédents mandats mais cela atteignait la démesure: Le roi donnait les objectifs: C'e n'était pas 1400 participants qu'il voulait, c'était 2500. "Qu'ils jouent le matin, l'après midi, le soir. Il faut les occuper, les gens s'ennuient". Plus les joueurs étaient présents, plus ils consommaient dans les différents stands. Plus ils s'abonnaient au site de jeu en ligne, les cours en ligne et tous les produits vendus par les entreprises du roi. Le roi était là pour faire du fric.
Aux championnats de France jeunes, la fédération augmentait les droits d'inscription. La cible, pour les entreprises du roi, les ménages aisés.
Pas d'hébergements ni de restauration collectifs. Qu'un cadet vienne dans un internat et mange dans une cantine, ce n'était pas rentable. Les effectifs des petites catégories ont enflé. Un enfant de huit ans vient avec sa famille, cela génère plus de chiffre d'affaire. La gestion était optimisée, centrale de réservation pour les hébergements, système de vente de tickets avec des restaurants partenaires.
Pour les entraineurs, le championnat de France jeunes, c'est le vivier de leur clientèle annuelle pour les cours particuliers. Mes collègues s'étaient adaptés à cette masse de joueurs débutants. Ils utilisaient un verbiage d'où tous les mots négatifs étaient exclus. Ils partaient dans des discours sur la confiance en soi, l'épanouissement personnel et la gestion des émotions. Ces bavards étaient plébiscités mais ils me cassaient les oreilles et je me plaçais près d'entraîneurs plus sobres.
Les gens sont fascinés par les dominants et dans les associations, ils se retrouvent aux manettes.
Les derniers présidents fédéraux que nous avons eu peuvent être qualifiés d'imposteurs. Ils étaient surtout là pour défendre leur intérêt personnel. Comment un chef d'entreprise qui a des sociétés dans les échecs peut il se retrouver président de la fédération? Un vrai micmac entre les employés de ses entreprises et les salariés fédéraux. Pourtant, malgré les différentes affaires le concernant, un tas de présidents de clubs ont voté pour qu'il reste.
S'ils désirent un type de cet acabit pour la prochaine mandature, qu'ils déclarent clairement chercher plutôt un profil de directeur commercial avec expérience en négociation avec les collectivités locales.
La covid, la disette est apparue, notre roi s'est fait éjecter.
A savoir s'il ne va pas continuer à gouverner en sous main.
Il est parti avec des casseroles, des articles dans les journaux peu flatteurs.
Le joueur d'échecs serait plutôt perçu comme un type calculateur préparant ses coups en douce. Prendre comme personnage principal l'extravagant Depardieu dans un film ayant pour fond l'entraînement aux d'échecs pourrait sembler étrange mais la réalité était proche de la fiction.
Du temps du président Loubatière, je fis un stage à Montpellier avec Xavier Parmentier, le personnage principal de Fahim.
Il était sensible. Il aimait faire la comédie. Il avait l'aspect d'un ogre débraillé et durant un bon tiers de son atelier, il présentait, avec des effets d'acteur de théâtre, des énigmes sur l'échiquier pour amuser les enfants.
Il fut entraîneur de l'équipe de France jeune. Xavier était blasé. Il avait fait plein de champions mais la politique fédérale pour les jeunes n'était pas assez élitiste à son goût. Lors d'un championnat jeune international, il avait repêché et sauvé de la noyade un jeune français ivre mort dans la piscine de l'hôtel à trois heures du matin. Il trouvait qu'il y avait trop de touristes dans les équipes de France jeunes et dans les championnats de France. Il était contre la politique fédérale portée au commerce auprès des masses. Peut être ces opinions lui coûtèrent elles sa place à la fédération. Circulèrent quelques rumeurs à son propos. Il fut licencié sèchement.
Je le revis à la fin d'un tournoi de Créon au camping. Un voisin nous avait préparé une bassine de punch. Xavier voulait rassembler des professionnels pour lutter contre la politique fédérale. J'étais d'accord avec lui, j'étais fatigué de faire de l'abatage, j'aurais préféré des élèves moins nombreux et plus avisés. Je les laissais et allais à la remise des prix. Je revins une heure plus tard, le soleil girondin tapait et ils sirotaient encore leur rhum. Xavier continuait ses exposés sur ses projets politiques mais sa voix s'érayait. Le leader était saoul. Notre nouvelle association d'entraineurs partait en capilotade.
En partie, il était trop nerveux. Les échecs attaquent votre psychisme et si vous n'êtes pas solide, cela ressort fatalement. Il avait plus ou moins quitté le jeu de compétition.
Il était passionné, avec ce film, Xavier entra dans la postérité.
Ambiance fin du monde. Imaginez un tournoi d’échecs où les organisateurs en tenue de protection microbienne testent la température des participants avec des scanners. Des mouvements de foule dès qu’un joueur éternue.
Avec cette épidémie, le championnat de France jeunes prévu à Agen en avril a du plomb dans l’aile.
Affrontez l'adversité avec le sourire. Vous avez enfin le temps, dans votre espace de confinement obligatoire, de redécouvrir les subtilités des finales de cavaliers !
Deux candidats s'affrontent.
D'un coté, Bachar, le sortant, homme d'affaires imposant, auteur sur la stratégie en entreprise : Pour faire court, s'assurer du monopole.
Il aime fumer le cigare jusqu'à la garde, empuantissant l'atmosphère. J'étais à coté de lui et après avoir expliqué à l'assemblée présente que le bout du cigare s'appelait le purin, il s'est mis à tirer dessus comme un damné. J'étais sous le vent et il montrait ainsi une grande impolitesse .Voilà comment notre Citizen Kane s'enivre: En pompant sur un mégot que même un clochard dédaignerait.
Il organise de grandes manifestations et presse les participants comme des citrons. L'évaluation se fait au nombre de têtes de pipes et au ratio de ce qu'ils ont dépensé.
Le second, Eloi. Il ne faut pas se fier à ces visages poupins, ils ne sont pas gage d’une conscience lisse. Responsable de site de poker en ligne. Dans un interview, il plaignait les champions de poker obligés de s'exiler dans les paradis fiscaux pour fuir l'impôt. Ce qui le place bien à droite. Son projet est certainement de faire sponsoriser la fédération par l'industrie du poker. Les joueurs d'échecs représentent un vivier de clients potentiels.
Beaucoup de joueurs d'échecs ont des profils de joueurs compulsifs et ces jeux d'argent ne leur conviennent pas. Certains y ont laissé leur chemise. Quelques faits divers assez sordides ont entachés notre belle communauté. Qu'à cela ne tienne, les losers seront sacrifiés pour assurer le bien être du président et de son équipe.
Vous l'avez compris, la prochaine mandature sera du style école de commerce.
Messieurs les présidents de clubs, ne boudez votre plaisir démocratique et à vos votes!
Le tournoi avait lieu dans les locaux habituels du LEC. Des salles non utilisées au troisième étage de l'école Raoul Dautry. C'était plutôt lugubre, longs couloirs en béton, peinture défraîchie, odeur de moisi dans les entrées. Manque de chance, deux salles sur trois avaient une panne électrique. Dans cette ambiance de tiers monde, l'arbitre haïtien Ginaud a su s'adapter. En cours de tournoi, il faisait le tour des popotes pour demander aux joueurs s'il pouvait avancer sur l'horaire prévu des rondes car il ne ne voulait pas terminer dans la pénombre. Cela n'a jamais été brillant, les locaux pour les tournois d'échecs à Limoges mais là, nous étions servi. J'ai dû faire quelques analyses à la lumière de téléphones portables.
Pas mal de tension dans ces qualifications. Trois rondes par jours, ce sont de gros efforts demandés aux joueurs et il y a eu quelques moments épiques.
A la remise des prix, il n'y avait pas assez de coupes pour les lauréats. Les organisateurs leur donnaient une coupe pour la photo mais ensuite ils devaient la rendre. Après ce que nous avions enduré, c'est passé avec le sourire.
Un état des lieux peu reluisant pour le club limougeaud. Très peu d'engagés . Les anciens dirigeants dont les maîtres mots étaient convivialité, bénévolat et gratuité ont échoué le club dans des locaux peu ragoutants en périphérie avant de quitter le navire.
Le concept tout gratuit ne pouvait pas tenir . Beaucoup de turn-over chez leurs élèves. Ils ont erré d'un local gratuit à un autre pour finir dans cette école désaffectée. Les dirigeants ont changé. Un nouvel entraineur les a fait partir. Bon courage à lui. Tant de gâchis pendant tant d'années.
Pourquoi ai je ressenti cette amertume à la fin de ce tournoi jeune ?
Faisons un bref historique. Je travaillais comme animateur à l'échiquier limousin au centre culturel. J'avais une école jeune avec trois groupes de niveaux et deux cours adultes. J'animais des ateliers dans les écoles publiques et je faisais le pont entre le club et les écoles. C'était du temps partiel, j'avais de faibles revenus mais de bons résultats et j'avais réussi à faire un champion de France et quelques podiums.
Le centre culturel faisait la publicité, s'occupait des inscriptions et de l'organisation de stages pendant les vacances. Le club avait une position centrale et nous organisions de beaux tournois jeunes et des opens où participaient des maîtres.
Un concentré de libertaires, d'ivrognes , de toxicomanes avaient créé un deuxième club. De vrais personnages de roman de Dostoievsky . Pas mal étaient saouls entre le vendredi soir et le dimanche midi et à trente ans, ils étaient déjà marqués physiquement. Ils étaient incompatibles avec l'école d'échecs .Une blague d'un de ces joyeux lurons devant le mères de famille et aussitôt quatre élèves quittaient le club. Ils le reconnaissaient eux mêmes. Ils disaient être au garde à vous au boulot durant la semaine et voulaient pouvoir se lâcher au club.
le deuxième club a fait faillite et ses membres sont revenus au club central et certains d'entre eux ont critiqué violemment le président en place. Ils ont pris la majorité en brodant sur le thème du danger du professionnalisme dans le sport et des bienfaits du bénévolat. Le club a quitté le centre culturel parce qu'ils ne voulaient pas payer la cotisation.
L'instabilité est un problème récurant dans ce métier, tous mes collègues entraineurs le savent . Les gens ont la passion de s'attaquer aux plus fragiles.
Du coup, j'ai perdu mon école d'échecs : Je ne pouvais plus envoyer les enfants des écoles dans leur club car ils me faisaient de la contre publicité.
Le bénévole a des idées sur la jeunesse et l'éducation et il aime le contact avec les enfants.
Les enfants arrivent en cours avec leurs problèmes personnels et peuvent être pénibles. Le bénévole n'a pas la patience de supporter les comportements agressifs. Il a une semaine de boulot dans les jambes. Il a des rapports affectifs avec les élèves. Il est là pour prendre du plaisir, il ne supporte pas le comportement des enragés et vire les éléments perturbateurs.
Le cours du bénévole se vide , il remplit avec d'autres car c'est gratuit et si l'école coule, il s'en fiche, c'est son hobby.
Le niveau du bénévole est faible. Il ne prépare pas ses cours. Il place les heures de cours en fonction de son planning professionnel, le vendredi soir par exemple. Les enfants n'ont qu'à s'adapter. Il se fait remplacer au pied levé ou fait de l'absentéisme. Il n'arrive pas à concilier ses activités avec sa vie familiale. Il menace de démissionner: L'école d'échecs est dans une insécurité permanente.
Le bénévole cherche la communion de sa classe par le jeu. Un prêtre sans dieu. Il adore les notions comme la bienveillance, la convivialité, le vivre ensemble, le partage, le développement personnel.
L'entraîneur veut garder ses élèves longtemps pour avancer dans l'apprentissage. Il supportera l'enfant difficile, teigneux mais bon joueur de compétition. Le gentil garçon bien élevé est indisponible pour jouer en équipe les weekends, avec ses devoirs et ses réunions familiales.
Avec quelques subventions et les cotisations des membres, un club peut engager sans soucis un professionnel, vu la petite rémunération des entraineurs.
L'entraîneur a surtout l'idée d'accroitre les capacités d'analyse et il aime voir ses élèves travailler ensemble, se soutenir et se motiver pour accroitre leurs performances.
Voilà des portraits dessinés à gros traits et tous les bénévoles et entraineurs ne correspondent pas à cette image mais ainsi sont ceux que j'ai rencontré au travers de mes activités professionnelles.
Le bénévolat est adapté pour des actions ponctuelles ou pour des postes de dirigeants. Pour les cours, sur le long terme, c'est trop prenant. Même dans les écoles, j'ai trop vu des bénévoles responsables d'un atelier lâcher tous leurs engagements en plein milieu de l'année.
Un grand maître, récemment incriminé dans une affaire de triche se plaignait dans un interview. Pourquoi ont-ils développé ces applications d'échecs sur téléphone? Un véritable pousse au crime.
C'était un pur suicide mais la méthode était rationnelle. Il trichait continuellement comme un cambrioleur méthodique qui visite chaque maison d'une rue. Si il n'y a pas d'alerte à la quinzième maison, il passe à la suivante. Il était arrivé dans l'élite mondiale du classement et ceux sont les joueurs qui ont apporté sa photo dans les toilettes avec son portable à l'arbitre, sinon il continuerait encore.
Les opens d'échecs ne sont pas sécurisés. Les gars se promènent avec leurs smartphones dans les poches. Les tricheurs se trouvent des idéaux en prétendant être anti système.
Les arbitres restent sur leur chaise. Un open d'échecs, c'est un supermarché sans vigiles pour des voleurs à l'étalage.
Dès que mon adversaire quitte la table de jeu, je le suis des yeux, inquiet. S'il passe un peu de temps aux toilettes, j' imagine qu'il va revenir avec le coup qui va m'assommer.
Si vous évoquez ce problème devant un responsable fédéral. Soit vous tombez sur un libertaire qui vous expliquera préférer laisser faire quelques tricheries plutôt que d'avoir à imposer des contrôles. Soit sur une personne qui a un business dans les échecs, pour qui médiatiser ces questions va faire fuir sa clientèle.
Quand la fédération daignera s'occuper du problème, il faudra donner des moyens aux instances disciplinaires pour traiter rapidement les cas de triche.
Interdire les objets connectés dans les périmètres et installer des détecteurs de métaux dans la zone de jeu.
Tout le monde se fiche de la triche dans les échecs. Seuls les joueurs souffrent. Chaque victoire est entachée de suspicion. C'est une réalité, malheureusement, lorsque vous scrutez les parties des vainqueurs des opens, il y a de curieuses similarités avec les analyses des ordinateurs. Pourtant les machines jouent mille points au dessus des humains.
Avec le printemps arrive le championnat de France jeune. Mille cinq cent participants sont attendus à Hyères cette année. A cette occasion, les ligues cassent leur tire lire. La part pour les jeunes peut atteindre quatre vingt pour cent dans leur budget. Un déséquilibre énorme mais les présidents de club, souvent de petits amateurs ne connaissant pas le monde des échecs, financent ce qu'ils comprennent.
Les jeunes appartenant aux grands clubs se voient proposer chaque semaine trois ou quatre heures de cours particuliers, des matchs par équipe chaque weekend et des cours collectifs. Il y a une grande inégalité géographique et de moyens. Il s'ensuit d'énormes différences de niveau et des parents stressent alors que leurs enfants n'ont aucune chance.
Il y a un effet magique aux championnats de France et les enfants sont attentifs aux cours durant cette semaine.
Une cohorte d'entraîneurs de haute volée suivent les prestations des champions. Un élève appliqué peut jouer une partie comme un maître ; Il n'a pas appris seulement l'ouverture, son entraîneur lui a donné le plan de milieu de jeu et comment jouer la finale. C'est une bataille d’entraîneurs et les enfants suivent les consignes. Il y a toute une réflexion pour éviter les préparations adverses. Les joueurs, des marionnettes tenues par leur entraîneurs ? Non, il y a les bourdes , les trous de mémoires. Le jeu est tellement vaste, très vite les joueurs sont livrés à eux mêmes.
Plus de huit cent participants dans dix tournois différents. Les seniors ont marqué une certaine continuité avec le même trio gagnant que celui de l'an dernier. Autant mes deux collègues ont survolé leur tournoi, autant pour moi, le parcours a été semé d'embûches. Sur le site, ils m'ont collé le bonnet d'âne: « Grosse surprise lors de cette deuxième ronde dans le tournoi vétéran avec la défaite du maître FIDE Michel Saucey contre Yves Hodot, joueur de deuxième catégorie ». Un vieillard : J'ai du l'aider à ouvrir sa bouteille d'eau. Il n'arrivait pas à tourner le bouchon. Il s'est économisé et je me suis épuisé à chercher les meilleurs coups. Une boulette dans une position gagnante, j'étouffais, la température était trop élevée.
Le plan était simple: Les vétérans vont réserver les meilleures tables de la ville et vont gueuletonner toutes les soirs et je n'aurai plus qu'à les ramasser à la petite cuillère à l'heure de la sieste et prendre un prix. Je n'avais pas prévu ces vilaines conditions de jeu.
Il y a de la diversité dans le monde des vieux. Celui qui se met tout de suite dans une vilaine position et la suite n'est qu'une longue agonie. Comme dans ce film des Monty Python avec ce chevalier qui se fait couper tous ces membres les uns après les autres et n'abandonne pas. Je n'ai pas une âme d'écorcheur, je commençais à m'inquiéter d'avoir à faire tout le tournoi contre de pareils adversaires. Quelques bons joueurs m'ont réconcilié avec l'humanité.
Nous jouions dans un chaudron, une vieille salle et la chaleur était insupportable. L'équipe de l'organisation faisait son possible pour améliorer notre existence mais son efficacité restait limitée. Quelques participants ont discrètement fait forfait mais pour la majorité, la fête devait continuer et ils ont fait bonne figure jusqu'au bout. Une honte pour la ville de Nîmes et pour la fédération d'offrir des conditions pareilles aux joueurs.
Si vous aimez les petits tournois dans les zones touristiques, le rapide des fêtes de Bayonne vaut le détour. Situé au cœur de la ville, vous jouez au son des bandas et autres spectacles vivants. Le niveau était sérieux avec la présence du grand maître local. J'étais heureux de jouer à un endroit où j'ai passé ma jeunesse. Le jeu d'échecs était moins présent, à l'époque. Après, vous pouvez vous enfoncer dans la joyeuse foule des fêtards, et certainement, il vous arrivera d'étranges aventures au cœur de la nuit.
Quiberon est une riche bourgade avec des paysages magnifiques. Le programme est facile : Les promenades en vélo sur la cote sauvage, les baignades dans les criques, regarder les voiliers.
Le club local avait organisé un rapide sous chapiteaux en semi nocturne au centre ville. Le tournoi d'échecs, ce n'est plus le farniente au bord de l'eau. Changement de rythme. Dès la troisième ronde, j'ai été rappelé à la dureté de ce monde. Je devais défendre une position perdante en finales de tours. J'ai encore affronté pas mal de jeunes plutôt aguerris et à la fin on s'est retrouvé 4 ex æquo à la première place. J'ai l'habitude d'avoir mon destin entre les mains de papi et son système de départage. J'étais pas inquiet: Le fait d'avoir joué des adversaires pénibles était un bon point pour moi. Le verdict est tombé : Deuxième, honorable. L'organisation était impeccable. et j'ai reçu en lots , en sus du prix, plein de bouteilles de cidre. Les bretons sont aimables.
Meyssac est situé juste à coté de Collonges la Rouge, réputé comme un des plus beaux villages de France. Meyssac a les mêmes maisons de pierres rouges, le charme ancien a été préservé. J'aime faire ces tournois de campagne comme Saignes, Peyrat le château. Je concilie échecs et tourisme.
Je saluerai l'organisation impeccable de Jean Prengère, très dévoué et l'arbitrage sans fautes de Bernard Raggini.
Si vous avez peur d'envoyer votre enfant à l'hébergement collectif de la ligue Nouvelle Aquitaine aux championnats de France d'échecs à Agen, je vous rassure: Il n'aura pas la tête farcie avec la théorie des ouvertures. Le séjour est un camp de vacances.