J'étais inscrit dans la nouvelle catégorie: Senior plus. Je donnais des cours particuliers le matin et je n'aurais pas eu le temps de faire de préparation si j'avais fait l'accession.
Les anciens manquaient d'énergie. Les perspectives sur l'avenir étaient moches :
J'étais au milieu du bal, je commençais à m'amuser et mon partenaire s'éclipsait discrètement vers la sortie. Je me retrouvais seul avec la feuille de partie signée à la main. Pour mes adversaires, il y avait différentes manières d'éteindre la lumière. Après trois heures de jeu, soient ils faisaient une gaffe, soient ils prenaient des océans de temps pour finir par perdre à la pendule, soient ils jouaient une série de coups très moyens montrant qu'ils avaient décroché. Il fallait connaitre ses limites. Si vous aviez la moitié du plein dans le réservoir, vous écourtiez la préparation du matin et vous ne démarriez pas comme une Ferrari.
Dès qu'il y avait trois ronds à gagner, se présentait un fort joueur pour les prendre et cet open n'échappait pas à la règle. Deux crocodiles, un maître et un grand maître me surclassait. J'eus l'objectif très raisonnable de finir troisième.
A Agen, le seul endroit ombragé, c'était le long du canal et j'y passais mon temps libre. Je voulais observer des plaisanciers. Le canal passait sur un pont enjambant la Garonne et je dus attendre le dernier jour pour voir un bateau naviguer sur ce pont. Dans ces zones d'écluses, ils avançaient au pas de l'oie.
La dernière ronde à onze heures m'inquiétait vaguement. J'avais peur d'une fringale au milieu de la partie et je me voyais mal en train de faire la queue au bar pendant que ma pendule tournait. L'intendance jouait son rôle dans les parties d'échecs. Je ne sus pas si mon adversaire avait envie de manger à l'heure, mais il sabota gentiment à la sortie de l'ouverture, ce qui a régla le problème.
Bauer avait demandé des compotes : Petit caprice. L'organisation, indolente, n'avait pas suivi. Lorsque Panoramix demanda des fraises aux romains pour préparer la potion magique, ils se démenèrent mais là, les commissionnaires revinrent bredouilles, disant avoir trouvé les magasins fermés le dimanche matin.
Imaginez la frustration de Bauer, grignotant des biscuits secs, tout ce qu'il avait pu trouver dans le buffet offert des joueurs du national et voyant la paire de fous de Bacrot lui détruire sa position. Après sa défaite , tous ses espoirs rincés, dépité, il lanca aux organisateurs un cinglant : "Merci pour les compotes !". Amusant qu'un gars qui venait de laisser filer le titre de champion de France s'inquiéta de ce qu'il avait raté au petit déjeuner.
A la remise des prix, il ne voulut pas figurer au pied du podium sur la photo. Il partit, furibard.
Le débat fut lancé sur cette épisode des compotes. Sachant le caractère fugace des prises de décisions aux échecs. S'il avait eu ses compotes, Bauer se serait-il senti plus à l'aise et aurait t-il tenu la partie?
Au début du tournoi, il avait une avance confortable et Fressinet et Bacrot semblaient jouer les touristes. Ils avaient tout gardé pour le final. Les tournants du championnat : Bacrot gagnant une partie contre Chabanon à l'usure, comme un joueur d'open en passant dans un trou de souris et Bauer ratant le gain contre Gharamian. Les derniers jours furent une descente aux enfers pour Bauer, avec ou sans compotes.
Chez ces champions, la maison échecs était bien tenue, toutes les variantes bien rangées, cela accaparèrent leur attention et ils montraient peu d'intérêt pour les soucis de la vie quotidienne, ce qui les rendait vulnérable. Pour "les gens normaux", c'était juste l'inverse.
Petit, j'étais allé dans une colonie bas de gamme mais je n'étais pas propre et j'aimais embêter le monde. L'animateur principal m' annonça, le jour du départ, n'avoir jamais vu un enfant aussi pénible de toute sa carrière. Il y a des gens, quand ils disent qu'ils ne vous aiment pas, cela vous fait presque plaisir. Mes camarades m'avaient réveillé pour me faire entendre le raffut qu'il faisait la nuit en baisant une monitrice. Peu intéressé, j'étais allé me recoucher rapidement.
J'avais du mal à supporter la journée séquencée. Les consignes de vie commune. J'avais vraiment fait du bazar dans cette colonie et un moment, j'avais toute l'équipe sur le dos. Lassés de me brimer, ils m'avaient laissé tranquille et à la fin, je commençais à m'adapter. Pour moi, l'orage était passé, J'avais l'impression d'être rentré dans le rang et la rancoeur de ce moniteur m'avait surpris.
A l'opposé, mon frère, très sociable, était revenu d'un autre séjour enchanté avec un cahier rempli d'adresses de ses copains.
Je ne voulus jamais retourner dans ces camps de jeunesse et arrivé adulte, je ne courus pas après les emplois de moniteur de colonie.
La CCAS était connectée avec les échecs. Elle organisait chaque année un festival d'échecs au Cap d'Agde et de nombreux intervenants échecs étaient employés dans ses centres de vacances.
Mon futur président de club était pour une quinzaine le directeur de la colonie. Il avait ouvert toutes les portes pour que je puisse obtenir cette mission temporaire d'animateur d'échecs dans le centre. Il me fit cette faveur car il avait besoin d'un intervenant pour son club à la dérive. Une prime d'arrivée en quelque sorte. Le président de la FFE avait un contrat par l'intermédiaire d'une de ses sociétés avec la CCAS pour la gestion des animateurs d'échecs au sein des centres CCAS. Ma présence comme indépendant était donc extraordinaire. Je touchais de relatifs gros appointements pour cette intervention et mon but premier était de finir le séjour pour toucher mon chèque. Même si certains événements furent déplaisants, je n'étais pas en position de la ramener. Cette aventure fut unique pour moi car le président fédéral prenait de juteuses royalties sur les contrats saisonniers et le directeur, très proche du pouvoir fédéral, n'intercéda plus en ma faveur.
Le thème du séjour était art et nature; Mon atelier pouvait se justifier. Le jeu d'échecs est un art.
Avant l'arrivée des pensionnaires, nous avions eu des journées d'intégration, des réunions au cours desquelles le directeur nous avait servi le discours des fondateurs du CCAS, mélange d'humanisme et de collectivisme.
Cet idéal fut entaché lors de la condamnation des cégétistes pour leur gestion calamiteuse de la caisse. Durant le tournoi d'échecs, ce n'était pas Germinal au Cap d'Agde pour les syndicalistes, ils se promenaient en Harley.
Le CCAS avec un pour cent du montant de la vente d'énergie en France s'était mis dans le rouge. Les petits poulets s'étaient bien arrosés.
J'avais un statut intermédiaire dans ce centre et je mangeais parfois avec le staff technique, le personnel d'entretien, les ouvriers de maintenance, les cuisiniers. Les anciens m'avaient parlé avec nostalgie d'une époque fastueuse avec des camps itinérants à cheval dans les montagnes. Sortant de ma cité, je le trouvais encore pas mal, ce petit centre défraîchi en pleine nature et le cuisinier faisait de bons petits plats. Dans tous les centres CCAS, le budget alloué aux repas ferait pâlir d'envie tout économe.
La marque de la déroute financière du CCAS était la piscine abandonnée au milieu du centre. C'était un cloaque rempli d'une eau saumâtre. Durant les longues après midis ensoleillées, pour les enfants, c'était un crève cœur. Un animateur leur avait fait construire un radeau pour l'envoyer de nuit dans cette mare répugnante. Tous les enfants du centre avaient été conviés pour cette occasion. Ils étaient placés loin du bord et l'animateur avait lancé l'engin. Imaginant les bactéries dans cette eau noire, j'avais fui cette mise en scène étrange.
Au début du séjour, au cours des journées d'intégration que je fis par curiosité, le directeur, très versé dans la psychologie devint maître de jeux. Comme premier rôle, nous devions complimenter les autres animateurs. Ce fut difficile de trouver à brûle pourpoint des qualités à des inconnus, à moins de partir dans des mensonges. Je voyais dans les yeux de mes interlocuteurs l'envie d'être flatté mais je cherchais les mots, c'était vraiment raté.
Quand cela fut mon tour de recevoir les éloges, la plupart me servirent des lieux communs sur le jeu d'échecs car je ne devais pas non plus leur évoquer grand chose. Mon amour propre en prit un coup mais ce fut une bonne expérience pour me permettre dévaluer la force du besoin de reconnaissance.
Il nous demanda de nous souvenir et d'exprimer un moment de joie depuis notre arrivée dans le centre.
Quelques moniteurs affirmèrent avoir adoré leur première entrevue avec le directeur. Certes, il était enjôleur mais étaient ils sincères ou diplomates? J'étais perplexe. C'étaient des gosses de riches, leurs parents étaient des cadres supérieurs dans les entreprises de l'énergie. Dans ces milieux, il est commun de de se complimenter. Le directeur était aux anges. Il garda le groupe d'animateurs sous son contrôle étroit tout le long du séjour.
D'autres jeux suivirent. Le dominant et le dominé. Une personne à genoux et deux autres debout le regardaient avec sévérité; Un animateur ne put pas faire ces figures. Des difficultés à gérer ses émotions. Il expliqua être en colère car il arrivait d'un autre centre où il avait eu des soucis. Le directeur le persuada de quitter la colonie.
Content de lui, le directeur m'expliqua qu'avec ces jeux anodins, à tous les coups, il identifiait les profils difficiles, inaptes à la vie commune et à avoir la responsabilité d'enfants.
Un mode d'éviction discutable. J'étais mal à l'aise. Dans le manège aux compliments, j'avais dit à cet animateur qu'il s'intégrait bien dans le groupe.
Un autre moniteur voulut quitter le séjour prétextant le décès soudain d'un ami. J'avais trouvé l'histoire bizarre car le soir de son départ, il demanda une table dans un restaurant local pour se réunir avec des copines. Peut être simplement ne voulait il pas continuer l'aventure avec ce directeur.
Nous manquions maintenant d'effectifs. Le directeur appela un de ses jeunes amis pour faire le nombre. Non diplômé, il fut dispensé des taches d'animation.
Le sous directeur était animateur scolaire vacataire dans la vie de tous les jours. Il possédait un gros van et j'en avais déduit qu'il devait avoir des parents travaillant dans l'énergie. Vu les revenus dans ce métier, il me semblait difficile de faire pareille acquisition sans un soutien familial.
Il avait inventé un jeu de langage de signes basé sur des réflexes plutôt débile mais lui et le directeur en faisaient une énorme publicité. Un type légèrement égocentrique. Chaque jour, il réunissait tous les enfants du centre sur la pelouse pour participer à des éliminatoires. Certains gamins faisaient exprès de mal jouer pour venir plus vite aux échecs. C'était la première fois que je voyais un animateur qui voulait en imposer aux autres, jusqu'alors dans les centres culturels et dans les écoles où j'avais travaillé, nous nous regardions sans rivalités.
Dans son atelier de travaux manuels, il faisait construire des petits moulins. Ces éléments décoratifs restaient dans le jardin. Son plaisir serait de les retrouver lors de son prochain passage, l'année suivante. Ce n'était pas un gars compliqué.
Je n'avais pas aimé le moment où il avait proposé, lors de la première réunion, de reléguer l'atelier d'échecs dans un coin distant peu passant très isolé. J'en parlais au directeur qui installa à coté de la bibliothèque, au milieu du centre; C'était parfait. Pour une fois, je n'étais pas la petite chose écrasée.
Il avait un look baba cool et ne s'entendait pas bien avec le directeur d'origine alsacienne. Il perdit son portefeuille et râla beaucoup à cause de cet incident. C'était bizarre, comment avait il égaré un objet alors que personne ne sortait du centre pour ainsi dire. Il n'était pas méchant mais je n'aimais pas quand il passait derrière les monitrices pour faire des chatouilles, au petit déjeuner. A la fin du séjour, il cria sur des filles trop lâches dans la surveillance des enfants certainement sous les injonctions du directeur. Il faisait aussi les nuits blanches, il devenait nerveux.
Les enfants accueillis étaient de classe moyenne voire supérieure. Le même genre que ceux que je voyais dans les écoles privées. Les employés de ces grandes entreprises de l'énergie sont des privilégiés.
Il y avait un petit pourcentage d'enfants des quartiers. C'est une caisse sociale quand même! Je ne savais pas s'ils avaient reconnu quelqu'un de leur milieu, en tout cas, ils venaient beaucoup jouer aux échecs. Une bonne règle de faire venir à peu de frais des enfants des classes populaires dans ces colonies pour enfants aisés. Il y avait de gentils petits arabes et noirs.
Comme nous pouvions en profiter, ma famille avait profité de cette règle de trois pour cent de pauvres dans les centres de famille CCAS. Nous avions fait comme cela des séjours dans de magnifiques endroits pour des prix dérisoires. Pas d'ingratitude, je louais cette solidarité communiste. Dans les alpes, un directeur de centre m'avait demandé de faire une animation d'échecs bénévole pour ses gaziers.
Les enfants choisissaient les activités mais pour les échecs, le directeur voulait au minimum une initiation pour chacun. Il existait des blocages culturels: Arrivées à dix ans, certaines filles ne voulaient pas sortir d'activités étiquetées féminines. Là, au moins, elles eurent un aperçu.
Les gamins, pour la plupart, avaient suivi des cours d'échecs dans d'autres centres et avaient un bon niveau. Certains passionnés auraient joué toute la journée. Ils étaient meilleurs que ceux que je voyais dans les clubs.
Un après midi, j'organisais un jeu en équipes avec la pendule à cinq mètres de l'échiquier. Au début de l'activité, je prévins qu'il faudrait courir et des filles n'étaient pas très décidées. Quand les pendules furent lancées, les voilà tous à courir comme des perdus. A la fin, Ils s'arrosèrent d'eau et mangèrent deux fois leur part au goûter. Ils m'avaient fait rire.
J'avais des enfants reposés, aimables, curieux, participatifs. Ce changement était appréciable, durant la période scolaire, ils étaient toujours agités.
Je travaillais sous la protection de cet étrange directeur qui semblait passionné d'échecs. L'atelier d'échecs était trop mis en avant. Le directeur louait continuellement mes qualités devant les enfants et mes collègues. Une espèce de culte de la personnalité non désiré dans un espace miniature. Je ne savais pas à quel jeu il jouait.
L'équipe des animateurs était composée de belles personnalités. Des étudiants de deuxième cycle. Ils voyageaient beaucoup. Ils avaient un bel avenir et des vies déjà très construites.
Le soir, après l'extinction des feux, vers 22h30, ils faisaient le bilan de la journée et préparaient le planning du lendemain. Ils accrochaient sur des tableaux leurs différentes propositions et le matin, les enfants pouvaient choisir leur activités. C'était des projets d'ateliers de grande qualité, très élaborés. Malgré leurs journées chargées, ils faisaient les fous la nuit dans la salle commune. Il y avait bien quelques monitrices mignonnes mais inaccessibles car ils étaient toujours en groupe, finissaient leurs réunions à des heures indues. C'était la chasse gardée du directeur qui profitait de sa position supérieure et pratiquait la réflexologie plantaire et les moulages humains au plâtre.
Ce que je savais de ce métier c'était qu'avant toute préparation, il fallait surtout arriver en forme et plein de vitalité pour réussir son animation. Après quelques journées sans sommeil, les après midis, les animateurs étaient atones, sans énergie, blancs de fatigue. Je vis plusieurs filles faire des crises.
Il y avait peu d'activité baignade au lac car il fallait un animateur diplômé de la natation pour huit enfants dans l'eau et peu avaient cette accréditation. Ils avaient trouvé une tique sur un enfant alors les promenades en forêt furent ajournées. En plus des règlements, le directeur était vraiment ceinture et bretelles. Il y eut une soirée observation des étoiles au coin du feu mais les enfants avaient été placés à cinq mètres des premières flammes et ne touchèrent pas un bout de bois.
L'alcool avait été interdit dans le centre, une mesure impopulaire. Le directeur m'avait expliqué la raison: Lors d'un précédent séjour, il vit ses animateurs, vautrés sur l'herbe un lendemain de cuite, interpeller les enfants vulgairement. Une scène choquante qu'il ne voulait pas revivre.
Ce directeur vivait avec le groupe. Je ne sus pas s'il prit son jour de congé. Ce n'était plus du management, cela semblait de l'emprise.
Quand je partis, les enfants commandés par le directeur me firent une haie d'honneur. Je savais cette gloire éphémère construite.
Le directeur larmoyant était incapable de retenir ses émotions au départ des enfants. Il ne supportait pas de voir le groupe d'animateurs dans lequel il était en immersion depuis quinze jours se défaire; Il s'impliquait trop, je trouvais çà malsain.
Animateur, je ne devais pas m'attacher, du moins ne pas exprimer mes sentiments. C'est comme cela que j'avais appris mais c'était les codes changeaient en fonction des institutions, des publics, des opinions politiques ou religieuses des encadrants.
J'avais travaillé plus de quinze ans dans une école privée sous les regards inquisiteurs d'une directrice. Il fallait garder les distances, ne montrer aucun affect, ne pas dire un mot équivoque.
Avec ce directeur émotif, c'était une autre planète. Etait-il équilibré? Aurait il réussi à son propre test d'admission ?
Le directeur affilia les enfants de la colonie à son club d'échecs, il avait payé les licences B, cela ne valait pas grand chose. Il fit ainsi râler ses concurrents dans la région.
Les enfants durent remplir un questionnaires d'évaluation et les résultats furent bons. C'était un choix multiple et lorsque les enfants n'avaient rien coché, le directeur remplit quelques cases. Cela devint de l'auto évaluation.
Malgré toutes ces critiques, l'équipe d'animation travailla avec passion et les enfants semblèrent satisfaits.
Le tournoi s'est joué dans une salle du lycée de la ville. Une cinquantaine de participants sont venus chercher leur dose d'adrénaline un jour d'élection.
TravoIta, le magasinier se transforme en roi de la piste le samedi noir.
Durant la semaine je rase les murs, mais dimanche, c'est carnaval. Je suis un des mieux classés. Je fais partie des notables dans le petit monde des joueurs d'échecs locaux et je veille au respect de l'ordre établi. A Nontron, il a bien eu quelques tentatives de rébellion mais la hiérarchie a été respectée.
Un danger est la suffisance. Les adversaires battus à de nombreuses reprises, je ne les prépare pas et à pense que je peux leur jouer n'importe quoi. Je me retrouve dans des positions impossibles.
Mes filles Capucine et Miléna sont venues avec moi, un tournoi en famille. Nous avons échangé quelques souvenirs avec certains joueurs qui les ont vu évoluer petites. Elles n'ont pas trop pas perdu la main, après une longue interruption.
Après une dizaine d'années d'interruption, due à une politique du club limougeaud tournée vers les amateurs, les affaires reprennent timidement à Limoges.
Un petit open, à deux pas de chez moi, une salle spacieuse et bien aérée.
Je finis deuxième après un parcours en dent de scie. Champion du limousin!
Certaines éditions du championnat du limousin ont été plus confidentielles. Une époque, nous faisions un toute ronde étalé sur plusieurs journées. Notre dernière partie avait été reportée. Nous étions deux joueurs au club au centre culturel et les agents techniques passaient. Mon adversaire, devant sa position pourrie s'était énervé: " Faites moins de bruit ! vous ne vous rendez pas compte, nous jouons la finale du championnat du limousin! ". Les gars s'en fichaient , évidement. Après sa défaite, il m'a félicité solennellement. C'était ridicule mais j'étais content d'arriver au terme de ce tournoi interminable et je pensai au chèque que j'allais pouvoir réclamer au président de ligue.
Un championnat de France jeune, pour les entraîneurs, c'est huit jours dans la salle d'analyse. Le matin pour les préparations et l'après midi pour l'analyse des parties. Nous sommes noyés dans une marée humaine. Chaque entraineur suit plus d'une dizaine d'élèves.
Quand j'avais regardé la brochure de présentation, j'avais tiqué car la salle d'analyse allait être sous chapiteau. Il vaut mieux des bâtiments avec des espaces séparés par ligue.
Les villes ne disposent pas de locaux fermés assez grands pour accueillir autant de participants. Les entraineurs sont toujours les relégués.
Le sol couvert de graviers, le piétinement de la foule emplissait le chapiteau d'une fine poussière blanche. Cà me faisait penser à un camp de réfugiés. Plus le froid et le bruit, des conditions infectes. Les collègues continuaient à prodiguer leurs conseils. Ils acceptent tout. Il n'y a pas de collectif chez les entraineurs, ils se font exploiter dans ces conditions indignes.
Avec la ligue nouvelle aquitaine, nous avons fait une de colonie sur les échecs . Avec la fusion des régions, les bordelais ont pris le pouvoir et ont imposé leurs méthodes et leurs cadres.
Six entraîneurs, des parents, une quarantaine de jeunes. Tout ce petit monde en communauté dans un lycée pendant la semaine des championnats.
La fédération a ouvert grand les portes des qualifications, nous battons les records de participation. Plus de mille trois cent participants cette année.
Les jeunes ont les mêmes problèmes émotifs que les adultes. Durant leurs parties, ils sont indécis, influençables, froussards. Plus les problèmes d'attention et de mémoire.
Dans un open, si vous êtes à trois sur sept, vous vous détendez. La prochaine ronde, vous aurez un appariement facile.
Dans ces championnats, il y a un plein d'entraîneurs et vous pouvez encore tomber sur une préparation bien ficelée.
Un collègue faisait de la psychologie : « Tu as un gros effort de concentration à faire à quatorze heures. Tout ton emploi du temps de la journée doit être fait pour arriver dans les meilleures conditions possibles pour cet instant là : Aller faire quelques foulées au stade le matin et bien rester concentré » . Ils n' écoutent pas, complètement insouciants.
A l'école, si l'enfant fait une bourde mais que le raisonnement est bon, l'exercice est validé. Aux échecs, si vous jouez mal: Vous perdez. Un enfant doué mais distrait connaîtra la défaite. Les entraîneurs rassurent, encouragent, consolent.