Le tournoi sur les nuages. Août 2016

Participer à un tournoi met sur la sellette. Le favori ne peut pas arborer un regard fier s'il connait la défaite. Le deuxième série se sent humilié de s'asseoir sur les dernières tables s'il a perdu les premières rondes.

 

Les conversations des joueurs d'échecs tournent autour de leurs performances et ils fouillent les grilles américaines des opens postées sur le net pour suivre les résultats de leurs copains.

 

Pour éviter les blessures de l'amour propre, vous pouvez jouer en ligne et enchaîner les contre performances, caché derrière votre pseudo, mais le regard des autres vous manque. S'il peut affliger, il sert aussi de moteur.

 

Les sites, pour garder leur clientèle, vous font jouer des robots programmés pour perdre. Cela n'existe pas dans le monde réel où vous pouvez vous enfoncer sans retenue.

 

Je privilégie les petits tournois où j'ai plus de chances de figurer. Participer à de grands opens pour finir cinquantième me motive peu. Cinquante maîtres suent sang et eau pendant une semaine. Ils sont de véritables artistes dans leur domaine mais peu seront dans le palmarès. Pour les autres, ce sont des frais perdus. L'important, c'est de participer est une maxime que j'entends beaucoup auprès des enfants qui se trouvent des excuses. Je suis obligé d'être plus réaliste.

 

Jouer aux échecs est avant tout une introspective mais vous êtes aussi tourné vers les autres.

Comme un ouvrier peut juger un collègue à sa façon d'attaquer un tas de sable avec une pelle, il m'est arrivé, à l'issue d'une partie, de ressentir de la sympathie pour mon adversaire: La façon ingénieuse dont il s'est sorti d'un mauvais pas, son courage, sa ténacité. Inversement, d'autres m'ont paru de bien tristes sires, avec qui je m'efforcerai d'éviter tout type de relation. C'est impressionnant comme le roman sans paroles qu'est une partie d'échecs peut dégager d'informations personnelles.

 

Arette fait partie de mon circuit de petits opens. Les organisateurs privilégient l'amateurisme mais c'est un sentiment général en France. L'open se joue à la station, c'est rocailleux mais il y a un beau panorama au dessus des nuages.

 

Le cru 2016 a vu une bonne participation, certainement due à la proximité du championnat de France à Agen. Je perdis une partie et mon vainqueur continua à un train d'enfer, ne me laissant aucune chance de le rattraper. J'avais joué des parties marathon. J'étais toujours surpris par la résistance que pouvaient m'opposer des joueurs ayant de petits classements. Je m'obligeais à jouer des débuts tranchants pour conclure vite dans les complications contre des adversaires faibles; Ma nature reprenait le dessus et le jeu s'orientait vers une  guerre de tranchée. J'étais toujours le dernier à finir.

Michel SAUCEY

Deux rapides en une semaine: Montbron et Clermont Saint Jacques, 11 et 13 novembre 2016

Michel SAUCEY

Jouer deux rapides en une semaine me rappela les temps où j'écumais  les tournois à la chasse aux prix dans un rayon de plus de deux cent kilomètres autour de Limoges. Les organisateurs rivalisaient d'ambition pour attirer de beaux plateaux de joueurs.

 

La mode de l'entre-soi est arrivée, les clubs firent de petits tournois locaux d'amateurs sans rien ou presque à gagner. Les prix catégories augmentèrent sensiblement. «Ils font du social» grinçait le MI Vincent David, lorsqu'il voyait défiler ces prix qui lui rognaient ses revenus. J'avais tiqué. S'il avait voulu faire du social, il aurait mis des prix important aux premiers. C'était plutôt notre mort sociale qu'ils organisaient.

 

Un beau circuit de parties rapides perdura en Poitou Charente: Les veinards. Il y avait une bonne participation et les spectateurs s'agglutinaient autour des premières tables pour suivre les fins de parties.

 

Dernière ronde de Montbron: Je jouais Xavier Bédouin. Il n'était pas en confiance car il venait de perdre contre une de ses élèves: Les risques du métier.

 

Il aurait pu prendre une qualité et m'écraser complètement mais il préféra l'avantage d'un pion. «J'ai voulu assurer un solide avantage sans risques» Avec des adversaires de ce calibre, un fois que vous aviez aperçu la mort, en général, il n'y avait pas de rémission. Je n'en revenais pas de ma chance.

Au échecs, l'opportunisme n'est pas un défaut et j'arrivais à réaliser une idée: Atteindre la septième rangée avec la tour. Là, tout content d'avoir sauvé la nulle, je répétais les coups par 36.Te7 Rf8 37.Tc7 Re8. Je ratais un gain  simple. 36 Fh3 bloquant les cases de fuite.

 

Open d'Hossegor, mai 2016

Plein de petits tournois en mai. Celui d' Hossegor en sept rondes sur trois jours était compact.

J'imaginais pouvoir passer du temps à la plage mais j'étais resté à suer sur l'échiquier. 

Les participants étaient des papys ou des jeunes revenant des championnats de France. En général, les seconds faisaient souffrir les premiers. Pas de surfeurs: Ils ne devaient pas aimer plus les échecs que les footballeurs.

Ils avaient beaucoup construit, sur cette cote. J'avais même réussi à me perdre, la nuit, dans mon village de mobil home: Ils étaient alignés et se ressemblaient tous. L'été, cela devait être une ruche.

Le cadre restait agréable, donnant sur un long weekend, un avant goût des vacances d'été.

J'étais monté sur le podium, à la même place que la dernière fois, sans montrer une grande qualité de jeu, en étant juste tenace. 

Michel Saucey

Saignes, juin 2016

 C'était un petit rapide de fin de saison. Il eut lieu dans une salle des fêtes hors d'âge. La moitié des participants se réunirent au repas collectif dans un restaurant du village. Un cas de conscience se posa. Ripailler sans retenue avec les autres ou se réserver car la transition serait difficile pour passer de convive affable à compétiteur sans merci.

Bien que nous étions au fin fond du Cantal, j'y trouva quelques joueurs aguerris et c'est ce que j'avais pressenti, la lutte fut rude l'après midi.

D'ordinaire, à la remise des prix, tout le monde se retrouvait sur l'estrade et les lauréats montaient sur un podium mais cette année, il était abîmé. Nous repartîmes tous avec un morceau de Salers. Le désir des organisateurs de créer du collectif était perceptible.

Michel SAUCEY

Espalion, juillet 2016.

L'Aveyron est l'été une terre d'échecs avec le classique open de Saint Affrique et plus encore maintenant avec la naissance d'un second open à Espalion.

L'organisateur un ancien président s'est fait assister de sa vieille garde. Il connaît les notables locaux et les portes se sont ouvertes pour les joueurs d'échecs.

Un tournoi de blitz, en marge du tournoi a eu lieu dans un café de la ville. Un rapide s'est déroulé à la tour de Masse, une magnifique tour du moyen âge. Elle servait de grange à grain pour l'abbaye voisine. Nous avons partagé un repas dans la salle centrale du château. La remise des prix a eu lieu à la mairie. 

Moingt, très serviable était toujours en mouvement, une vraie toupie. Dans les petites animations annexes, il avait mis des produits régionaux à gagner. Bon bourgeois porté vers les plaisirs de la table, il n'a pas voulu donner de la confiture à des cochons et s'est débrouillé pour que la plupart des lots soient donnés à ses amis. Petites habitudes mesquines qu'il avait du prendre lorsqu'il était président fédéral.

 

Je m'étais fixé un objectif : La troisième place et un score de sept sur neuf. Avec deux grands maîtres inscrits, il n'y avait pas de marge. Mon projet aurait pu capoter avec cette position perdante contre un jeune classé mille six cent dès la première ronde.

Michel Saucey

 Avec quelques péripéties, j'ai achevé mon plan.

 

 

Gonfreville: Le Championnat de France jeune, avril 2016

ECHECS

Dans ces championnats jeunes qui étaient de gros opens par catégories, les jeunes devaient accéder aux podiums pour sortir de l'anonymat.

S'ils finissaient dans les trois premiers, à part une courte notoriété, il n'y avait pas grand chose à espérer avec des finances fédérales dans le rouge: Une invitation dans un championnat international pour le champion avec un staff technique réduit au minimum. Et encore, cela dépendait des catégories.

En faisant participer votre enfant, vous pouviez obtenir une bourse comme meilleur espoir régional. Surtout si vous étiez dirigeant dans un comité départemental ou dans une ligue.

 

Gonfreville est une ville sportive dans la banlieue du Havre. Belles installations sportives, vastes salles de jeu et confortable espace ligue sous chapiteaux pour les entraîneurs. Nous pouvions faire des parties de foot pendant la pause de midi.

L'inscription était passée à cinquante euros, une forte augmentation pour financer des vigiles. C'était l'explication donnée mais c'était cher payé pour quelques plantons. Beaucoup de stands commerciaux, de panneaux lumineux. Le business avant tout. Les parents stoïques restaient dans ce vacarme  sous le chapiteau central .

 

Les grands jouaient dans une salle sans tribunes et sans accès pour les spectateurs.

Nous étions deux pour encadrer les quatorze participants limousins. Mon assistant, un conducteur de train était bénévole. Il entrainait une gamine de son club et voulait la suivre durant ces championnats. Il connaissait les conditions de travail difficiles dans son entreprise mais là, il comprit sa douleur. 

 

Durant l'année, plusieurs stages regroupant les jeunes du groupe espoir furent organisé.

C'était largement insuffisant, les gamins avaient un petit niveau. 

En Corrèze, ils avaient des entrainements trop espacés dans leur club et au LEC à Limoges les cours du vendredi soir, c'était la foire complète. Aux stages du pôle espoir aussi, les limougeauds ne voulaient pas travailler.

 

La plupart du temps, à l'analyse des parties, je comptais les pièces en prise. Ils étaient tous en dessous de la moyenne.

Un garçon faisait exception. Il avait pris des cours particuliers. Aux stages collectifs, je devais choisir le niveau du cours pour lui ou pour les autres. Il gagnait des blitz en cinq contre une minute contre eux pendant les pauses.

Il était trop émotif. Il sortait des parties presque en état de choc. Indécis, il obtenait de belles positions mais ne les exploitait pas.

 

La matinée, de dix heures à douze heures se faisaient la préparation des adversaires, des exercices ou des révisions sur les ouvertures. Après leurs parties, les jeunes venaient analyser avec nous. Là commençait le vacarme : Mille trois cent vingt six participants et Jordi, un salarié fédéral, avait fait des badges d'entraîneur à tout le monde. Cela devenait extrêmement bruyant de seize heures à vingt heures. Une cour de récréation monte plus en décibels qu'un chantier avec marteau piqueur. J'avais acheté des bouchons d'oreilles. Je ne voulais pas détruire mon cerveau, mon outil de travail, pour une prestation de quelques centaines d'euros. Ce sont des produits de protection indispensables contre les nuisances sonores dans ma cité aux murs en carton pâte. Chaque fois que mon voisin entreprenait sa femme, j'avais l'impression d'être dans sa chambre.

Les bouchons ou la dépression. 

 

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